La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Dans l'abîme du temps


Vortex est le troisième et dernier volet de la saga cosmique de RC Wilson, saga commencée en 2005 avec Spin, et poursuivie dans Axis en 2007. Il a été récemment traduit et publié par Lunes d’Encre, sous une couverture qui m’a vaguement rappelé le très bon Chronolithes, du même auteur.

"Vortex" est constitué de deux histoires qui progressent en parallèle. L’une se passe sur Terre, une génération environ après les évènements décrits dans Spin, l’autre sur Terre et ailleurs, 10000 ans plus tard. Ici et presque maintenant, une psychiatre et un flic en rupture (il existe beaucoup de SF mix, c’est le premier Serpico-SF que je lis) enquêtent sur Orrin Mather, un jeune garçon white trash à la santé mentale incertaine, et sur les étranges connaissances du futur qu’il semble détenir. Dans l’avenir lointain, Turk Findley, qui avait pénétré dans l’Arche Temporelle des Hypothétiques, en sort 10000 ans après, et découvre une réalité étrangère qui commence par être séduisante afin de se révéler franchement inquiétante. Ces deux fils narratifs, à l’évidence liés par le personnage d'Orrin Mather, ne se recouperont finalement qu’à la toute fin du roman.

En effet, dans ces quelques dernières pages, alors que le roman, et donc le cycle se termine, le lecteur saura enfin ce qui liait ces deux histoires séparées par un abîme de temps. Il saura aussi et surtout (certains attendent depuis sept ans) qui sont les Hypothétiques, ce qu’ils veulent, et la raison pour laquelle ils ont commencé par enfermer la Terre dans la barrière du Spin. Le lecteur aura la réponse, l’humanité, victime du Spin, ne l’aura jamais eue.

Par delà le récit et les révélations attendues (et fournies, ce qui n’est pas toujours le cas dans ce genre de cycle), la thématique centrale autour de laquelle tourne le "Vortex" semble être celle de l’identité. Qui sommes-nous ? Sommes-nous ce que nous sommes ou ce que nous décidons d’être ? Sommes-nous la somme de nos remords ? Sommes-nous toujours des humains si nous ne sommes pas totalement humains ? Une conscience reconstituée est-elle la conscience originale ou une simple copie ? Peut-on concilier conscience collective et liberté individuelle ? Quelle est la limite physique de la conscience, et d’ailleurs y en a-t-il une ?

Ces questions sont posées aux héros du livre au travers de leurs expériences biographiques, mais aussi du fait de leur confrontation aux sociétés futures qu’il décrit : démocratie corticale ou démocratie limbique, ces formes politiques, proches de celle de la ruche, qui assurent stabilité et consensus par le biais de l’intervention d’une méta conscience apaisante mais inévitablement totalitaire.

Vortex a les qualité d’un roman de RC Wilson. Il est écrit dans un style clair et accessible qui permet une lecture agréable. Il concentre son éclairage sur les humains, leurs sentiments, les réactions qu’entrainent chez eux la confrontation à une réalité qui leur est tellement supérieure et lointaine qu’elle en est à la fois hypnotisante, terrifiante, et incompréhensible. Il ne laisse jamais le sense of wonder étouffer l’humanité de son histoire. Véritable page turner en raison du mystère qui entoure la cas Orrin Mather, et de la proximité du moment où sera révélée la vérité sur les Hypothétiques, "Vortex" se lit vite et agréablement. Wilson fait du Wilson et c’est, en soi, pour beaucoup de lecteurs, l’assurance de pouvoir entrer en confiance dans un roman fluide, prenant, et humain.

Je ne lui trouve, en regard de ses qualités, que des défauts mineurs. D’une part, la liaison entre les deux fils du récit m’a semblé un peu artificielle. Elle sert surtout à faire passer un point sur l’Histoire, le Passé, et leur négociable inéluctabilité. D’autre part, j’ai trouvé que la partie future faisait par moment très (trop) classique, du fait de l’utilisation de certains archétypes et de la quasi absence de descriptions détaillées ( le petit couple, la résistance passive, le vaisseau contrôlé par la pensée, la « cité idéale », omniprésente mais peu décrite, la conscience collective aux effets trop effleurés, parfois tout ceci faisait un peu vieille SF à la Age de Cristal). Enfin, et là je revendique ma subjectivité, je trouve Wilson bien optimiste, presque naïvement optimiste. Son histoire contemporaine se termine au mieux, la future aussi, et même l’Univers ne s’en sort pas trop mal, alors que toutes les probabilités jouaient contre des résolutions favorables. On peut aimer les vrais gros Happy End, ce n’est pas mon cas. Mais, chacun le sait, je suis une bête enragée.

En dépit de ce qui précède, j'ai pris plaisir à lire "Vortex" dont la forme comme le fond sont charmants, ce qui est imho la marque de RC Wilson.

Vortex, RC Wilson

Commentaires

Efelle a dit…
Tu es quand même vicieux d'intitulé ta chronique d'après une nouvelle de Lovecraft.
Gromovar a dit…
C'est l'histoire d'un gars qui voyage loin, loin, loin dans le temps. Donc j'ai bon ;-)
Kurisu a dit…
En général les gens qui n'aiment pas les gros happy end sont des gens heureux...Argh !

Bon, le "loyal" que je suis est convaincu : je lirais toute la série...
Gromovar a dit…
Pourquoi "loyal" ?
Guillmot a dit…
Lu Axis, je peux donc attaquer celui-là.
Kurisu a dit…
un clown parfois triste...
Efelle a dit…
Terminé.
J'approuve ton titre.

C'était vraiment bien et la fin ouverte ne me parait pas être un si gros happy end.
Gromovar a dit…
Même le triste me paraît gai ;)
Guillmot a dit…
Terminé. Je ne l'ai pas trouvé si optimiste que cela, du moins je te l'accorde, le désespérant bilan humain sur l'environnement est contre-balancé par l'empathie que tout personnage un tant soit peu optimiste peut générer chez le lecteur avide de la moindre lueur d'espoir. Ok. Mais quand même, pas si optimiste à mon goût :)
Gromovar a dit…
Tapez plus !

Bon d'accord, c'est pas trop optimiste. Mais quand même un peu ;)