La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Bugpunk


"God’s war" est le premier roman de Kameron Hurley. Il est nominé pour le Nébula 2011. Le moins qu’on puisse dire est qu’il est original.
"God’s war" prend place dans un avenir indéterminé sur la planète Umayma. Difficile de ne pas penser que c’est une transformation du mot Umma, car cette planète est peuplée d’humains dont la culture descend visiblement de l’Islam. Mosquées, muezzins, nombreuses prières quotidiennes, puritanisme (à nuancer, j’y reviendrai), livre sacré (Kitab), etc.
Les deux points forts, très forts, de "God's War" sont le world-building et la caractérisation.
Les deux nations les plus développées dans le roman sont Chenja et Nasheen. Chenja applique un Islam qu’on peut qualifier d’orthodoxe. Femmes voilées, polygamie, piété intense, Chenja est gouvernée par des mollahs. Sa voisine Nasheen est bien plus libérale. Née d’une révolution, elle est gouvernée par une reine et les femmes y sont dominantes. Les règles de vie imposées par la religion sont suivies de manière bien plus lâche, dans une société qu’on pourrait qualifier de laïque. Chenja et Nasheen sont en guerre depuis plusieurs siècles, le long d’un front qui avance et recule au gré des succès ou des déroutes militaires. Cette « guerre éternelle » façonne les sociétés qui la subissent, entre déséquilibre démographique de sexe, centres de procréation, misère et destruction, alertes récurrentes aux attaques aériennes, gardes et filtres protecteurs, espions et déserteurs, réseaux d’évitement de la conscription, etc. Chenja et Nasheen sont plus que des sociétés en guerre, ce sont des sociétés de guerre. A côté des belligérantes, d’autres nations, neutres et plus petites, appliquent des variantes plus strictes ou différentes de la culture commune.
Sur le plan technologique, le dépaysement est total. La « technologie » d’Umayma n’est ni mécanique, ni électronique mais biologique, fondée sur l’utilisation de membranes vivantes actives, d’armes bactériologiques, de manipulations génétiques, et d’insectes (souvent de grande taille) naturels ou génétiquement modifiés. Si la plupart des Umaymans sont de simples utilisateurs de ces technologies, il existe aussi une caste de « magiciens » qui utilisent un procédé non décrit pour contrôler les insectes et s’en servir pour combattre, communiquer, surveiller, etc. Les « magiciens » sont aussi capables de réparer voire de remplacer des membres ou des organes. Ils « grattent » enfin les cancers que provoque un soleil bien trop intense, car Umayma est une planète hostile. Aride, brulée par le soleil, parcourue par des insectes géants potentiellement agressifs, Umayma est une sorte d’enfer, encore dégradé par la guerre, l’horreur du front, et la menace permanente des attaques biologiques à l’arrière.
Qu’ajouter ? Hurley décrit son monde de manière très détaillée. Le roman fourmille de détails de la vie quotidienne, il est aussi plein de la présence et des actions d’innombrables figurants qui rendent vivant le décor dans lequel évoluent les personnages principaux. Décors, personnages, pratiques, le lecteur visite Nasheen et Chenja et en revient, un peu éberlué, avec une connaissance intime de ces deux nations radicalement étrangères. Que demander de plus à la SF ?
Pour ce qui est de la caractérisation, Hurley crée des personnages forts, brutaux, en conflit, dont les interactions tirent la narration. Nyx, nasheenienne et ancienne assassine royale (membre de la sororité des Bel dame) qui retrouvait et exécutait des déserteurs souvent contaminés, disgraciée pour trafic puis devenue chasseuse de prime, accepte une mission de recherche dangereuse et controversée pour la nouvelle reine de Nasheen. Son équipe est constituée d’individualités fortes, d’hommes et de femmes blessés, porteurs de lourds secrets qui pourraient leur valoir la mort. Rhys, chenjan exilé de son pays pour avoir refusé d’accomplir le devoir qu’on prétendait lui imposer, est le magicien incompétent de l’équipe. Khos, Mhorian métamorphe qui aide les prostituées nasheenienne à soustraire leurs fils à la conscription. Taite, spécialiste des communications, et homosexuel dans un monde où ce n’est guère une bonne idée (même si l’homosexualité féminine est presque la norme à Nasheen). Anneke, combattante loyale et compétente qui est la seule « intacte » du lot. Les points de vue, la culture, le passé, la vie (cachée) des uns et des autres ne s’ajustent pas, et bien des secrets le sont même pour le reste de l’équipe. Les conflits y sont fréquents, les non-dits nombreux, la confiance fragile. Ce n’est pas l’amour qui lie cette équipe, amour que Nyx, dure et manipulatrice, est bien incapable d’inspirer, ni même le respect, plutôt une forme de nécessité, d’alliance pour la survie. Confronté à des adversaires déterminés et brutaux, qui enlèvent, torturent, assassinent, le groupe ira péniblement et non sans perte au bout de ce qu’il peut endurer.
Si "God’s War" est un bon roman (d’autant qu’il est un premier), ce n’est pas un très bon roman.
La narration est parfois confuse.
L’auteur abuse à mon avis des rebondissements spectaculaires impliquant les ennemis de Nyx, dont on finit par avoir du mal à admettre qu’ils soient aussi omniscients, omnipotents, omniprésents, et dont les motivations ne sont pas toujours d’une clarté limpide.
Certains éléments de contexte sont étranges pour le moins. Passons sur les métamorphes qui sont peut-être le résultat d’expériences génétiques antérieures, même si là on est plus dans la magie que dans la science, mais que dire des salles de boxe ? Les magiciens se passionnent pour la boxe, leurs bases se trouvent dans des salles de boxe qui sont toutes reliées entre elles par un chemin « magique » qui permet d’aller de l’une à l’autre quelle que soit la distance réelle qui les sépare. La proie de Nyx, d’ailleurs, se passionne aussi pour la boxe et c’est cette passion qui la perdra. Qu’a voulu dire Hurley ? Je l’ignore complètement.
Au final, God’s War crée un monde et des personnages différents et passionnants, sur lesquels j’aimerais lire à l’avenir une meilleure histoire.
God’s War, Kameron Hurley

Commentaires

Efelle a dit…
Un auteur à suivre s'il arrive à se bonifier donc...
Les défauts que tu cites me font faire l'impasse sur ce livre. On verra lors d'une prochaine chronique.
Gromovar a dit…
Ya une suite : Infidel. Je verrai à l'occasion ce que ça vaut.