La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Love is danger (Virgin Prunes)


"La morsures de la passion", n'hésitons pas à le dire, est le dernier grand pas en avant de la littérature fantastique.
Étant, à mon grand regret, dépourvu des compétences nécessaires pour analyser la myriade des concepts développés dans ce roman (notamment un dépassement de Nietzsche : « Comme il est bon et ironique de me baigner dans ta vie, à présent ! Ce qui m’a tué me rend maintenant plus fort. »), étant, de plus, trop court en vocabulaire pour tenter de transmettre la beauté formelle de cette œuvre (« Il se pressa contre elle pour mieux ressentir l’énergie de son orgasme imminent et glissa la main dans son pantalon de soie. Il aimait les femmes qui s’épilaient, parce que ce ne pouvait pas être seulement pour elles-mêmes…Elles le faisaient pour être regardées, admirées »), je vais devoir recourir à un expédient auquel je ne suis pas habitué, je vais résumer "La morsures de la passion".
Pour commencer on a un vampire. C'est un ancien neurochirurgien, parce que chez Harlequin les héros sont toujours plus ou moins des médecins. Ayant sauvé des vies pendant des années, il ne peut se résoudre à en supprimer maintenant qu'il est vampire. Il ne tue donc personne, il se contente de suçoter sans donner la mort. Il aimerait que sa tribu (car il en a une) l’imite.
Il y a aussi une sorcière. Elle a 200 ans (ce qui en fera, potentiellement, la plus vieille couguar du monde). Elle déteste les vampires depuis que trois d'entre eux ont tué toute sa famille. Elle les traque et les tue grâce à sa salive empoisonnée. Récemment, elle a tué des amis du vampire, elle a même failli le tuer lui, mais il a survécu en buvant le sang d’un autre, un ami, ce qui lui a permis de devenir un Phoenix, un vampire très rare et très puissant, immunisé au pouvoir de la sorcière ainsi qu’au soleil (tant qu’à faire).
Quand le récit commence, le vampire est très en colère. Après tout, il a failli mourir, ce qui, pour un immortel, est vraiment ennuyeux. Il décide donc que, pour cette fois, il peut tuer quelqu’un. La vengeance l’exige. Il va chez la sorcière, dont il connaît, fort à propos, l'adresse, avec la ferme intention de la faire passer de vie à trépas. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que la sorcière est, justement à ce moment-là, en train de fabriquer un philtre d'amour. Il arrive, il attaque, il mort (juste un peu) et patatras, le philtre d'amour se renverse, la sorcière en boit un peu, et, du coup, son sang  envoûte le vampire. Ben mince. Il devient alors le plus amoureux des hommes et se met à poursuivre de ses ardeurs la sorcière. (« Ca suffit, dit-il en la plaquant sur le lit. L’air était saturé de tension. Sinon, je vais finir par croire que tu m’aimes aussi follement que je t’aime »). Au début, celle-ci ne veut pas l'aimer. Après tout, il fait partie de la race maudite qui a anéanti sa famille. Mais il est tellement gentil, tellement attentionné, qu'elle finit par céder. (« Cet homme semblait connaître son corps. Il n’y avait pas un endroit qu’il effleurait ou embrassait qui ne la faisait frissonner »). De leurs étreintes torrides le vampire tirera de nouveaux pouvoirs, par un mécanisme, la magie du sexe et du sang, que j'ai mal compris (quand je disais que ce livre dépassait les compétences).
Puis l’affaire se complique, car il y a deux autres protagonistes (au moins).
Il y a d'une part, un méchant vampire qui veut devenir chef de la tribu à la place du vampire amoureux, et qui est un tueur brutal. Il veut rendre la tribu cruelle, et se fâcher avec les loups-garous. Le gentil vampire ne veut pas, mais il s’est mis en porte à faux en fréquentant une sorcière. Du coup le méchant vampire tue l'ami du gentil vampire pour l’embêter. Le gentil vampire finira par vaincre le méchant vampire, pour sauver la sorcière quand ce dernier voudra la brûler.
Il y a d'autre part, le diable (oui, le vrai), envers qui la sorcière à des dettes, et qui a tout manigancé (c’est lui qui a incité la sorcière à préparer un philtre d’amour). Et voici comment le diable va jouer involontairement le rôle d’auxiliaire de la passion. Quand le philtre d'amour cesse d'agir, le gentil vampire est très, très en colère. En effet, il ne peut pas croire qu'il ne s’est pas vengé de celle qui a tué ses amis avant que le roman commence. Il est convaincu de ne pas aimer la sorcière, d'avoir simplement été ensorcelé par elle (« Oserait-il encore croire en l’amour ? »). Or celle-ci, qui a pourtant résisté aussi longtemps que possible (« Je hais le vampire, mais j’aime l’homme »), a succombé aux flèches de Cupidon (« il y avait des choses qu’une femme sensée ne refusait jamais : les bouquets de roses, les bijoux hors de prix, et les aventures érotiques exceptionnelles »). Elle aime le gentil vampire, et voudrait le retrouver comme avant, mais lui ne veut plus l'aimer. L’entrevue est difficile. C'est alors qu'intervient le diable. Il vient chez la sorcière pour réclamer son dû, l'enfant premier-né de celle-ci. Par chance, lorsqu’il arrive, le gentil vampire est là, au milieu d'une explication orageuse. Par chance aussi, le diable a un pouvoir étonnant qu’il ne contrôle pas : quand il parle à quelqu'un, il prend toujours l'apparence de la chose que la personne désire le plus au monde afin de la tenter. Et là, s'adressant au gentil vampire, il a l'apparence de la sorcière. Le gentil vampire comprend alors qu'il est réellement amoureux de la sorcière, et qu'il serait fou de résister à l'amour. D'autant que, mais il ne le sait encore, la sorcière est enceinte de lui. Il passe alors un pacte (malheureux) avec le diable, puis le vampire et la sorcière décident de s'aimer par-delà leurs différences, par-delà les barrières, sans se soucier du regard des autres (« Il l’embrassa avec tant de tristesse que Ravin résolut de ne plus s’inquiéter pour l’avenir. Du moins tant qu’elle pourrait se blottir dans les bras de son vampire »).
Les morsures de la passion est un superbe hymne à l'amour, porteur d'un message fort contre l'intolérance et les préjugés. L'auteur renouvelle le mythe de Roméo et Juliette de fort belle manière. Il me tarde de lire la suite, dans laquelle le vampire prend du bide et la sorcière a la migraine.
La morsures de la passion, Michele Hauf


Ils ont aimé aussi : Val, Lhisbei, et Cédric.

Commentaires

Eric Nieudan a dit…
Moi aussi je manque de mots pour qualifier le courage dont tu fais preuve pour tenter de décrire ce chef-d'oeuvre.

J'hésite de plus en plus à le lire, tellement j'ai peur d'être dépassé par tant d'émotion et de complexité.
chris a dit…
oh, du lourd... (j'ai tellement ri). Mais attention à ne pas lire au bureau si vous ne voulez pas que l'on vous regarde comme une bête curieuse...
Cedric Jeanneret a dit…
@Chris c'est l'avantage d'un reader, impossible de savoir ce que tu lis ;)
Tigger Lilly a dit…
Monsieur Gromovar, j'ai une plainte à formuler. Je ne suis pas contente. En effet, vous spoilez dangereusement ce chef d’œuvre pour les personnes qui ne l'ont pas lu et attendaient Noël pour se le faire offrir. C'est mal.

(mais bon sang qu'est-ce que j'ai ri)
Blop a dit…
Je plussoie avec Tigger Lilly, je ne l'ai toujours pas fini, et à cause de toi, je connais déjà la fin de l'histoire. C'est très vilain.
Sinon, je suis transie d'admiration devant cette critique si pertinente et si passionnée...
Vert a dit…
Je n'ai pas tout lu pour ne pas me spoiler la fin, mais ça a l'air absolument formidable xD. Si je suis en état, je lis ça demain matin dans le train :D
Gromovar a dit…
@ Eric : J'ai fait don de mon corps à la critique.

@ chris : beware c'est NSFW

@ Cédric : +1

@ Tigger : Je vous présente toutes mes confuses.

@ Blop : Le savoir n'est rien à côté de le voir.

@ Calenwen : Tu as encore à lire. Happy you.
Efelle a dit…
On dirait un épisode de Buffy/Angel/Charmed...
Gromovar a dit…
Il est interdit de dire le moindre mal de Buffy, sinon je serai obligé de commencer à modérer les commentaires.
Val a dit…
Quel investissement ! quelle abnégation de soi ! Un vrai travail d'orfèvre que ta chronique !
T'as raison pour Buffy ! sinon, je peux aussi envoyer en représailles mon ado rebelle !
Gromovar a dit…
Oui. Lache ton chien de guerre !
arutha a dit…
Ouais ! On touche pas à Buffy ... ou je mords.
La Mettrie a dit…
Dès le début, le "dépassement de Nietzsche" m'a tué, sache-le.

Mais, en fait cher ami, tu es un grand maso ! Tu aimes t'infliger de terribles tourments !
Je suis mi-admiratif mi-horrifié : chez moi c'est physique, la mauvaise littérature me fait mal au crâne et me file la gerbe.
Ta résistance est de fait exemplaire (mais alors ta SAN doit avoir méchamment morflé !).
Gromovar a dit…
Je crois que ma SAN est tombée à O.

@ La Mettrie : Btw, je n'oublie pas le Mucchielli. Lecture deuxième semaine des vacances.
Efelle a dit…
Mouahahahahahaha !

Franchement vous avez trouvé des différences entre Buffy et les deux autres séries que j'ai cité ?
Gromovar a dit…
C'est qu'il insiste, le bougre !
tiberix a dit…
Mais pas de bataille navale ?
Lhisbei a dit…
tss tss tss ! Ta lecture n'a pas été très attentive mon cher Gromovar.

Nikolaus Drake est un phénix pas un des frères Phoenix (encore que je soupçonne la romancière d'avoir pensé à Joaquin avant qu'il ne s'empâte...) ^^

(pour la magie de sexe et de sang il n'y a pas à aller chercher bien loin - le sexe avec l'être aimé est magique gnagnagna mièvrerie et guimauve épicées d'une goutte de sueur - et ça suffit à tout expliquer non ?)

tu as souffert on dirait (je te rassure moi aussi et j'ai doublement culpabilisé parce que je suis responsable de tout ça !)
Gromovar a dit…
Un des frères Phoenix, ça aurait eu de la gueule dans une adaptation cinéma.
Lhisbei a dit…
ouaip mais le risque est grand de zapper pour n'avoir que les plans "fesses"

(ok je suis déjà dehors)