Espèce invasive - Christophe Esnault

Sortie chez Milagro Editions d’un petit opuscule qui, comme on dit, ne donne pas envie de danser, Espèce invasive , du poète Christophe Esnault. Quoique… Où mieux danser que sur le volcan ? Une espèce invasive, si on en croit la définition que donne le Muséum d’histoire naturelle est « une espèce vivante dont la prolifération provoque des dégâts dans le milieu dans lequel elles s’installent » . Le Ministère de la transition écologique etc. est plus explicite, précisant que « ces espèces représentent une menace pour les espèces locales, car elles accaparent une part trop importante des ressources (espace, lumière, ressources alimentaires, habitat…) dont les autres espèces ont besoin pour survivre. Elles peuvent aussi être prédatrices directes des espèces locales. » et « sont aujourd’hui considérées comme l’une des principales menaces pour la biodiversité. Elles constituent un danger pour environ un tiers des espèces terrestres et ont contribué à près de la moitié des extinctions connue

Le Eros éternel

Suivant les bons conseils de Pitivier, et après la lecture de l'excellent Grandville, je me suis procuré l'oeuvre culte de Bryan Talbot. "Les aventures de Luther Arkwright" est un gros (212 pages) album one-shot en noir et blanc. C’est un ouvrage difficile d’accès, mais l’effort du lecteur est payé de retour. Dans l’album sont entremêlés quatre récits au moins : guerre à mort contre l’annihilation, enfance et éducation de Luther, transformation du héros en messie universel, approche de la fin de tout sur l’ensemble des plans. Talbot utilise le concept de multivers cher à Moorcock. Mais Arkwright, à la différence du Héros Eternel moorcockien qui possède un avatar dans chaque réalité parallèle, est unique, et se déplace par sa seule volonté d’un plan à l’autre. Travaillant pour le WOTAN, organisation installée dans le plan stable 0.0, le moins affecté par la fin proche, il lutte, à partir de cet œil du cyclone, contre les Disrupteurs, pour éviter l’anéantissement du multivers. Il est secondé, entre autres, par Rose Wylde, télépathe dont chaque incarnation communique avec toutes les autres (et baise avec Arkwright dans une esthétique très seventies, il y a d’ailleurs un dessin à la Emmanuelle au tout début qui est assez drolatique). La combat décisif aura lieu dans un plan où Cromwell a créé une dynastie qui a maintenu l’Angleterre, plusieurs siècles durant, dans une dictature de type fasciste. Enfer puritain, l’Angleterre d’Arkwright tente d’endiguer la rébellion de ses colonies américaines, fait face à la convoitise de ses voisins russes et prussiens et à une tentative interne de restauration monarchiste. Arkwright doit assurer la chute de Cromwell, la fin de son régime, et la victoire des royalistes, pour défaire définitivement les Disrupteurs. Il n’y parviendra qu’en transcendant son « humanité ». Scénario complexe, délire mystique et cosmique qui rappelle certaines BD typées Métal Hurlant des années 70, "Les aventures de Luther Arkwright" offre autant qu’il promet. Mais loin d’être une œuvre conceptuelle complètement absconse, "Les aventures de Luther Arkwright" raconte une passionnante histoire. Dans le foutoir foutraque du récit est tissé un fil d’Ariane très solide qui permet au lecteur de s’orienter aussi bien que Thésée dans le Labyrinthe. Sur le plan graphique, les planches à l’encre de Chine, sont superbes et inventives. Talbot pousse très loin la création. Esthétique fascisante des partisans de Cromwell, pleines pages belles comme des gravures (notamment pour l’East End), champ/contre-champ, travellings arrière, simultanéité « cut » des évènements très proche d’un montage cinématographique, représentation de la répression en une demi page, la plus aboutie que j’ai vue, montages photos, coupures de journaux, Talbot n’a aucune limite, et crée un objet unique. "Les aventures de Luther Arkwright" ne plaira pas à tous mais c’est assurément l’un de ces cas où la BD rejoint l’art contemporain. Impressionnant. Les aventures de Luther Arkwright, Bryan Talbot

Commentaires

Pitivier a dit…
ravi que tu ai aimé. C'est une de mes BD préférée. Effectivement, il y a quelque chose de très cinématographique chez Talbot qui est ici extrêmement visible. Il y a entre autre une scène d'action qui en temps réel fait 8 secondes mais qui de mémoire est représentée sur 8 pages, sans dialogues, et qui préfigure très bien je trouve ce que les Wachowski feront plus tard sur matrix par exemple.

Du très grand art.
Gromovar a dit…
"Du très grand art."

+1

Merci pour le conseil.
Jerom a dit…
On dirait que l'univers (graphique) est proche de celui de Andréas (les gravures de Cromwell Stone, Rorq...), non?
Avec + de 20 ans d'avance bien sur!
Gromovar a dit…
C'est pas exactement pareil mais il y a effectivement un vrai air de parenté.