Mirror Bay - Catriona Ward VF

Sortie de Mirror Bay , la version française de l'excellent Looking Glass Sound de Catriona Ward. C'est encore une fois magistral, tortueux, émouvant et rempli de faux-semblants  (il faut en profiter, ce n'est plus le cas dans le décevant Sundial pas encore sorti en VF) . Ne passe pas à côté, lecteur.

Edmond Dantès de Curgh


"Rules of Ascension" est le premier tome d'un cycle de cinq romans, "Winds of the Forelands". David B. Coe inaugure avec cet ouvrage un long récit de fantasy politique.
Dans une société féodale cohabitent deux peuples, les Eandi, des humains, qui détiennent le pouvoir politique, et les Qirsi, frêles, presque albinos, détenteurs de pouvoirs magiques. Vaincus par traitrise il y a près de mille ans, lors d'une tentative de conquête, les Qirsi, peu nombreux, vivent au sein de la société Eandi. Ils font commerce de leurs pouvoirs en soignant, combattant, lisant l'avenir, et monopolisent les postes de conseillers auprès des rois et des nobles. Lorsqu'un complot Qirsi fait d'un jeune noble une victime collatérale, le royaume d'Eibithar est plongé au bord de la guerre civile. L'éviter et vaincre le complot, c'est le point du cycle.
Coe décrit une société intéressante. Féodalité presque parfaite, Eibithar est une société schizophrène. Eandi et Qirsi y vivent côte à côte, mais méfiance, répulsion, voire haine sont la norme entre les deux peuples. Beaucoup d'Eandi voient les Qirsi comme des fourbes, calculateurs, secrets, et indignes de confiance. Nombre de Qirsi haïssent les Eandi pour leur victoire passée et rêvent de prendre le pouvoir politique en éliminant les dynasties Eandi. L'amour et les unions entre membres des deux peuples sont tabous, même si cela arrive parfois. Rien d'étonnant donc à ce que certains Qirsi, profitant de leur position avantageuse au sein de l'appareil du pouvoir cherche à le renverser pour en forger un nouveau. D'autant qu'à cet antagonisme fondateur s'ajoutent des conflits entre royaumes humains, dont les comploteurs Qirsi joueront pour avancer discrètement leurs pions. Car si la confrontation visible, militaire, se joue entre duchés et royaumes Eandi, c'est la partie d'échecs entre Qirsi comploteurs et Qirsi favorables au statu quo qui est le moteur des évènements, la plupart du temps sans que les Eandi se doutent de quoi que ce soit. Ajoutons à ça deux religions en compétition, les anciens dieux (plutôt ceux des Qirsi) ayant été relégués à la marge par une espèce de dieu unique (plutôt suivi par les Eandi), mais dont Coe ne fait pas grand chose, et quelques trouvailles originales comme la lecture d'avenir ou les foires qui parcourent le pays, qu'il utilise au mieux de leur potentiel.
Ce qui fait la qualité principale de ce premier volume c'est l'organisation politique. L'auteur fait vivre sous les yeux du lecteur une société authentiquement féodale (je sais que je me répète mais c'est tellement rare en fantasy) parcourue par des tensions qui ne demandent qu'à s'exacerber, ce que certains vont prendre un malin plaisir à faire. Et au-delà des batailles, épiques, ce sont les dialogues, nombreux et de très bonne qualité, qui décident des entrées en guerre, des serments, des renversements d'allégeance, des victoires ou des défaites, tant il faut motiver et convaincre dans ce qui est un immense systèmes d'alliances interconnectées. "Rules of Ascension" est écrit pour des lecteurs qui aiment le débat entre de nombreux personnages. Guerre, politique, discussions, passion, comme l'écrit Arutha il y a quelque chose du Trône de Fer dans "Winds of the Forelands", et je pense que si on aime l'un, on peut apprécier l'autre.
A l'inverse de Munin, je ne crois pas que la suspension d'incrédulité soit trop difficile à atteindre. Néanmoins, ce cycle n'est pas exempt de points faibles. D'une part, la confrontation bons Qirsi/mauvais Qirsi ramène l'histoire dans un schéma presque classique de Bien contre Mal, là où le Trône de Fer (toujours lui) avait inventé un monde dépourvu d'axe moral (sans compter que la frange la plus progressiste de notre lectorat va y entrevoir une allégorie de la lutte séculaire entre combattants de la liberté et bourgeoisie comprador ;-). D'autre part, les personnages sont tous d'une noblesse qui confine à l'incroyable. Ce n'est que sacrifice consenti, courage, loyauté, grandeur morale, on se croirait dans un western avant Sergio Leone. Au bout d'un moment ça prête à rire, je trouve.
Néanmoins, "Rules of Ascension" est d'une lecture agréable et distrayante et ne donne jamais l'impression d'être de la junk literature. C'est déjà bien.
Rules of Ascension, aka Le complot des magiciens, David B. Coe

L'avis de Livrement Acro

Commentaires

chris a dit…
J'avais lu le complot des magiciens (T1 de la VF - chaque tome de la VO est divisé en 2), première partie de rules of ascension sans être convaincu. Je n'ai donc pas poursuivi.

Un début d'intrigue trop classique (jeune homme manipulé tombé dans un piège qui le dépasse) pour compenser l'originalité de l'univers de l'auteur, dont l'aspect très médiéval... m'apparaissait sans grande fantaisie, presque comme une nouvelle de transposition. A la limite, l'aspect magie pourrait apparaitre comme de la superstition.

Cela s'arrange-t-il par la suite ?
Gromovar a dit…
Je l'ai trouvé globalement pas mal. En tout cas, si tu lis le tome 2 VF tu auras au moins un semblant de fin.
Pour ce qui est des tomes suivants VO, ils n'existent pas en version Kindle, ce qui fait que pour l'instant, ce cycle est en stand-by pour moi (ce n'est pas comme si je n'avais plus rien à lire ;-)
Anonyme a dit…
"Eandi et Qirsi y vivent côte à côte, mais méfiance, répulsion, voire haine sont la norme entre les deux peuples. Beaucoup d'Eandi voient les Qirsi comme des fourbes, calculateurs, secrets, et indignes de confiance."

Ça ressemble assez à la manière dont nos ancêtres chrétiens voyaient les Juifs.
Gromovar a dit…
Tout à fait. Je n'y avais pas pensé mais c'est vrai que le parallèle est frappant. Si tu y ajoutes le complot...
arutha a dit…
Ce n'est rien de dire que cette série a été pour moi un véritable coup de cœur. Cependant, compte tenu de sa longueur (10 (petits) tomes en français), j'en ai fractionné la lecture. Et il est vrai que, en fonction de mon humeur du moment, j'ai parfois trouvé (moins indulgent ? plus lucide ?) que le propos frisait la littérature pour adolescents. Mais pour ceux qui trouvent le Trône de Fer trop noir, c'est un excellent choix.
Mention spéciale pour les dialogues.
Gromovar a dit…
Le Trône de Fer en moins noir, ça colle assez à la réalité.