La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Guy Marchand über alles


"Privés de futur" est une anthologie consacrée à l’hybridation du polar et de la SF (voire SFFF), publiée en 2000 par ce qui n’était pas encore tout à fait le Bélial. Lisant les deux genres, leur réunion m’attire. Que m’offre donc "Privés de futur" ? Sous une couverture assez laide, on trouve 24 nouvelles très inégales.

Commençons par le bon :

Le grand éveil, de Kim Newman. Cthulhu sur la côte Ouest. J’en avais dit beaucoup de bien ici. Etant, pour quelques temps encore, Alzheimer-free, je confirme.

Le miracle d’Ivar Avenue, de John Kessel. Une jolie histoire de mort non-mort, construite comme un film optimiste de l’Hollywood des années 50.

La langue de l’océan, de Jacques Vettier. Meurtre au fonds des mers. Un texte bien écrit, angoissant, et inexorable.

Paradigme party, de Sylvie Denis, est un texte intelligent mêlant subtilement théorie mémétique et intelligence artificielle, dans le cadre d’une affaire de contrôle mental. J’aime les textes dotés de conversations théoriques, et celui-ci est, grâce à elles, réussi. Une perle de relativisme.

Ce qu’une main donne, de Robert J. Sawyer. Dans un monde à la Gattaca, où l’ADN dit qui vous êtes et ce que vous serez.

Paradise city, de Thomas Day, est une belle description d’une ville en déliquescence dans un monde mourant et en transformation. On est ici dans une forme déviante de police procédural.

Le correct suit :

Retour aux affaires, de Fabrice Colin. Détective, fantômes, steampunk. Distrayant mais un peu trop gouleyant ou grasseyant à mon goût.

La balle magique, de Brian Stableford. Attentat contre un scientifique. Qui ? Pourquoi ? Le texte aurait gagné à être moins annoté par le traducteur

Evolution, de Nancy Kress. Où on voit une femme anonyme tenter de sauver son fils, et ce qui peut l’être d’un pays mis au bord de l’effondrement par une épidémie.

Méfiez-vous des contrefaçons, d’Andrew Wiener. Enlevé et drôle, un texte sur la contrefaçon qui rappelle irrésistiblement l’Invasion des profanateurs, ou certaines scènes des Men in Black.

Dégaine, crapule, de Jean-Hugues Oppel rappelle le film Mondwest. Prévisible, la nouvelle est assez courte et vive pour être plaisante.

Puis :

La langue fondamentale, de Robert Canavaro. La présentation du texte demande "si l’attrait du polar-SF qu’est le cyberpunk gibsonien ne résidait non pas dans l’envahissement déglingué de la technologie, mais seulement dans l’emploi du Japon comme décor". Et bien la réponse est NON.

Délite, de Michel Leidier. Bof !

Copie conforme, de Christo Datso, est un texte inutilement compliqué. L’auteur aurait gagné à faire plus simple.

Un monde qui nous parle, de Marie-Pierre Najman, est un texte pompeux sur l’amour des livres, de la lecture, les singes qui, à l’infini, taperaient les œuvres complètes de Shakespeare, and so on… Qui plus est, avec des personnages nommés Papa Belkacem, Janice Berthier, Prof Pivert, Ange Dolovici, le professeur Pommier, on se croit dans un épisode de Plus belle la vie ou une partie de Cluedo.

Shootin’ Paparazzi, de Francis Mizio, est un texte ridicule.

Pourquoi j’ai tué mon clone, de Jacques Mondoloni, manque d’intérêt narratif.

S’il n’était vivant, de Roland C. Wagner, n’a rien en terme d’enquête. Réfère à Dick. M'a rappelé le jeu de rôle Rêve de Dragon, un classique du jdr franchouille avec zyglutes et pressoir à cidre sacrés.

La feuille jaune ; de Jean-Bernard Pouy. Bof !

Le petit éveil, de Johan Heliot. Bof !

Joe, de Jean Millemann. Bof !

Gluco Block Alpha, de Stéphanie Benson. Prévisible, vide, mou.

Moi le Maudit, de Richard Canal. Si j’avais gagné un euro par référence cinéma, je roulerais en Ferrari. Trop patchwork pour passionner.

La crise de curiosité, de Vivian Robert. S’enlise rapidement dans des considérations guère passionnantes.

Au final, un bilan décevant, pour une anthologie grandement dispensable, dans laquelle l'élément polar est d'ailleurs souvent plus en filigrane qu'autre chose.

De plus, je crois, au vu de ce qui précède, avoir un certain nombre de tares fondamentales pour pouvoir bien critiquer la majorité des auteurs français. D’abord je suis trop gothique, et pas assez alternatif (ou vieux), pour apprécier à sa juste valeur le charme de l’argot franchouillo-rigolard qui est la marque de fabrique de beaucoup. Ce fonds et cette forme improbables, mélange chimérique de la jactance des bistrots de Ménilmontant et de celle des Tontons Flingueurs sur le ton ricanant d’Hara-Kiri, ne m’agréent pas. De fait, ils me gonflent. J’y vois de la facilité et de la maigre littérature.
D’autre part, je ne lis pas assez souvent Charlie-Hebdo et autres périodiques marxistes tendance Groucho, pour réaliser pleinement à quel point les politiques, sans parler des ecclésiastiques, sont des enculés corrompus, les firmes des brutes sans cœur, et comme il est futé d’écrire ™ ou © ou ® après un nom de marque pour prouver qu’on n’est pas dupe. Je ne réalise pas non plus assez que pouvoir, politique, et partouze sont inextricablement liés, ce qui amène parfois un étonnement devant ce qui ressemble pour moi à de la tortuosité obsessive. L’avant-propos du recueil donnait d’ailleurs le ton, entre langage gratuitement vulgaire et blagues de potache.
Je ne suis sûrement pas le critique compétent pour une grande partie de là production française. Ou alors, après une petite rééducation.

Commentaires

Guillaume44 a dit…
"pouvoir, politique, et partouze sont inextricablement liés"

Berlusconi ?
Efelle a dit…
N'est ce pas le propre des anthologies de ne proposer que la moitié de textes potables ?
Guillaume44 a dit…
Encore que les anthos des Utopiales sont plus généreuses en bons textes.
Gromovar a dit…
@Guillaume : En tout cas dans l'imaginaire de beaucoup, c'est clair.

@Efelle : Certes mais le ratio bon/mauvais textes varie légèrement à la hausse ou à la baisse. Ici on est clairement à la baisse. Qui plus est, le pathos qui s'y exprime est tellement redondant et convenu que l'effet d'accumulation a joué jusqu'à que je n'en puisse plus. Je suis entré en fusion.
Val a dit…
Guillaume m'a doublé sur Berlusconi :)
Gromovar a dit…
Guillaume est un serial posteur :)
Guillaume44 a dit…
On parle de moi ? ^^
Gromovar a dit…
Je suis en plein Esprits Criminels. Ca m'influence :)
Efelle a dit…
Au temps pour moi j'ai compté le correct avec le bon...
Gromovar a dit…
Manipulation des chiffres ;-) ?
Munin a dit…
Je suis d'accord et même plus avec ton analyse à la fin du billet. Je crois aussi que construire des récits sur le simple postulat que le croisement des genres (ici "Polar" + "SF", mais il y en a d'autres) est une erreur : souvent on récupère les clichés de l'un et de l'autre, pour aboutir à un truc moins bon que la somme des défauts des deux *pi2.
Gromovar a dit…
@ Munin : D'accord avec toi, mais je n'arrive jamais à me faire à l'idée et je retente toujours le coup (avec la plupart du temps le même résultat).

Toi qui as fréquenté Casus Belli, tu te souviens de Rêve de dragon et des zyglutes ?
Guillmot a dit…
Bon au final, Le Belial' a énormément progressé en matière d'anthologies, si je comprends bien !
Gromovar a dit…
Oui.
Et les moutons électriques sont la référence imho.
C'est bien mal connaître Charlie Hebdo que de le ranger dans cette catégorie la... Je vois très bien l'idéologie dont tu parles, si on peut appeler ça ainsi, mais Charlie a jamais trempé dans ce genre de bain.
Gromovar a dit…
Je ne serai pas aussi catégorique que toi, mais je n'ai pas les éléments sous la main pour le démontrer clairement. Un simple coup d'oeil sur les couvs mis en avant sur leur site me laisse néanmoins penser que je n'ai pas vraiment exagéré : http://www.charliehebdo.fr/couvertures.html

Je suis néanmoins d'accord sur le fait qu'il y a bien plus (comment dire) outré que Charlie-Hebdo.

Mais, dis-moi, il me semblait que Blackagar Boltagon ne devait jamais parler sous peine de cataclysme ;-)
Anonyme a dit…
"Mais, dis-moi, il me semblait que Blackagar Boltagon ne devait jamais parler sous peine de cataclysme ;-)"

Ça doit en faire un grand amateur de communications écrites, par contre ;)
Gromovar a dit…
Pas faux ;-)
Munin a dit…
Rêve de Dragon fait partie de mes lacunes en JdR. Chaque fois que j'ai essayé de la combler, cela s'est soldé par une lamentable partie.

Mais quel rapport entre les zyglutes et Guy Marchand neurocablé ?
Gromovar a dit…
Une nouvelle du recueil, dans laquelle on pense que le monde n'existe peut-être que dans le rêve d'un gourou, comme il n'existait que dans le rêve des dragons dans le jdr.
Munin a dit…
Ouais, j'ai fait le lien après avoir posté le commentaire, désolé d'être un boulet. "S’il n’était vivant, de Roland C. Wagner, n’a rien en terme d’enquête. Réfère à Dick. M'a rappelé le jeu de rôle Rêve de Dragon, un classique du jdr franchouille avec zyglutes et pressoir à cidre sacrés." RC Wagner écrivait des critiques SF dans Casus, d'ailleurs.
Efelle a dit…
Je viens de terminer Paradigme Party de Sylvie Denis dans le recueil Jardins virtuels, un très bon moment.
Gromovar a dit…
Il faudra que je me le procure.