La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Vrai mais daté


Lire "L'homme unidimensionnel" c'est s'attaquer à une légende écrite dans un style tout sauf fluide. C'est un peu comme gravir l'Everest.
La pensée de Marcuse, plus célèbre représentant du freudo-marxisme, est parfois fulgurante. Il décrit un monde dans lequel la consommation de masse et la publicité ont aboli toute possibilité de révolte. A coups de loisirs, de tourisme, de plaisirs matériels, la classe populaire, comme la nommera Bourdieu, est droguée comme l'est un héroïnomane (c'est plaisant mais ça rend mou). Tous, fraichement sortis de la misère crasse de la Révolution industrielle, ont trop à perdre à risquer leur confort petit bourgeois, et l'idéologie véhiculée par les média de masse réalise sans difficulté son travail de domestication. Une éventuelle révolte ne peut venir que des marges, que de ceux qui n'ont rien, une révolte des esclaves semblable à celle conduite par Spartacus (rappelons pour l'anecdote que Marcuse a été spartakiste).
Reprenant l'antienne de Keynes sur la productivité, Marcuse martèle que la technique devrait servir à diminuer drastiquement le temps de travail afin que l'homme puisse se consacrer à des passions autonomes. Il constate avec consternation que les progrès productifs ne servent qu'a produire plus de biens fondamentalement superflus, dont la "nécessité" est imposée au peuple par la triade publicité/marketing/média (c'est ici l'opposition qu'il fait entre vrai et faux besoins, l'alternative étant entre besoins autonomes et besoins imposés). Mais, comme dans la définition de la vertu que donne Oscar Wilde, la douleur doit précéder le plaisir, et le travail, le loisir. L'homme devient un producteur aliéné car on l'a convaincu qu'il voulait être un consommateur. Les produits véhiculent avec eux le désir des produits, la consommation de loisirs devient l'ultima ratio du travail salarié. Le système de socialisation fonctionne tellement bien qu'il fait que même ceux qui sont en position d'infériorité dans la société ne la remette pas fondamentalement en cause car elle leur a apporté un peu de confort et de bien-être. On est proche ici de la fable du chien et du loup avec le peuple dans le rôle du chien. Et même la démocratie est illusoire tant on ne choisit que dans une offre et à l'intérieur d'un cadre figé. Comme l'écrit Marcuse, "Le fait de pouvoir élire librement des maitres ne supprime ni les maitres ni les esclaves".
Marcuse a beaucoup inspiré. Pour ne citer que deux œuvres que j'apprécie, le mécanisme de domination bourdieusien (qui ne peut fonctionner qu'avec la complicité objective de ceux qui subissent), et l'oeuvre d'Habermas notamment dans "La science et la technique comme idéologie" prolongent et développent la pensée de Marcuse. Et, à la sortie d'un parc de loisir dans lequel j'avais été familialement contraint à me rendre, après avoir vu tous ces gens dont le revenu des heures supplémentaires payait des tours supplémentaires de chenille ou d'acrobranche, il m'a semblé que je ne pouvais différer plus longtemps la lecture de cet ouvrage qui est sur ma pile virtuelle depuis vingt ans au moins.
Au passif de ce livre un contexte très daté (guerre du Vietnam, URSS) dont il faut s'extraire.
L'homme unidimensionnel, Herbert Marcuse

Commentaires

Nolt a dit…
« Le fait de pouvoir élire librement des maîtres ne supprime ni les maîtres ni les esclaves »

Tellement vrai. Malheureusement, cela n’empêche pas le succès de cette épouvantable ignominie qu’est la démocratie. Essentiellement parce que les gens la perçoivent comme l’élément positif d’une hypothétique dualité entre elle et la dictature.
Le coup de génie des démocrates a été de pouvoir associer durablement, dans l’esprit de la masse, l’idée de liberté et un système électif abominable et socialement tératogène.
La liberté est essentielle mais elle n’a pas forcément à être assurée par un système démocratique où l’imbécile est l’égal d’un génie.

Lorsque l’on se fait opérer, on ne demande pas un vote englobant le type qui fait le ménage à l’hosto et la secrétaire de l’accueil. On fait confiance au chirurgien.
Quand un problème survient dans un avion, on ne demande pas aux passagers de voter pour décider de la meilleure solution à adopter. On fait confiance au pilote.
Des gens formés, passés au crible de la sélection et aptes à prendre les meilleures décisions.
Mais pour décider qui va être à la tête d’un pays entier… tout le monde est considéré comme expert du moment qu’il a plus de 18 ans !
Il faut un permis pour conduire une bagnole, bâtir une maison, chasser, pêcher, adopter un enfant, mais pour décider du sort de la nation entière : « oh, ben, on vous fait confiance les gars ! »
;o)
Nolt a dit…
(j'ai dû poster en deux fois, j'ai dépassé le nombre de signes permis dans les commentaires)

Le pire c’est que, dans les sociétés occidentales – et surtout en France – l’on est obligatoirement soupçonné de coupables sympathies dès que l’on ose remettre en cause les dogmes établis.
Pensez donc, comment peut-on être contre la démocratie ?
Et bien simplement en la ramenant à ce qu’elle est : un système politique basé sur les apparences et la supposée sagesse du pékin moyen, lui permettant de déterminer qui est le type le plus efficace parmi une meute de chiens enragés, surcoachés et avides de pouvoir.
Autant dire que cela revient à sélectionner un spationaute en se basant sur sa capacité à remporter un concours de miss.
- Jim j’ai une super nouvelle ! C’est toi qui pars sur Mars !
- Wow… mais, j’ai échoué à tous les tests en simulateur et j’ai toujours ce problème d’incontinence là, avec ma combinaison, c’est chiant…
- On s’en fout ! Tu avais la meilleure cravate et tu les as tous bluffé quand tu as sorti que ton vœu le plus cher c’était la paix dans le monde ! Tu es number one mec !

Bon, j’exagère, dans la réalité tout cela est impossible. On ne peut pas élire un type à la tête de la plus grande puissance occidentale juste parce qu’il est noir. On ne peut pas retrouver une inculte au deuxième tour d’une élection présidentielle en France juste parce que c’est une femme. Et puis, dans le fabuleux pays des droits de l’homme et des merveilles, nous voyons tous les jours les bienfaits de la démocratie. On arrive facilement à se loger, les entreprises sont compétitives et humaines, les media d’une pertinence rare et il n’existe pas de zone où même les flics ont peur de se rendre.
Une complète réussite donc.
Oui, ok, j’ironise, mais le bilan du système démocratique est à pleurer.
D’autant que la sacro-sainte liberté ne se porte guère mieux que le reste.
Certains mots sont même bannis du vocabulaire et du champ journalistique.
On efface, on dilue, on cache et l’on invente de nouveaux termes, plus doux, plus gentils, pour parler des choses qui fâchent, qui font peur et qui tuent.
On accepte la maltraitance, notamment des femmes, sous couvert de je ne sais quel respect culturel. On larmoie à la télé sur un racisme des années 60 alors que les racistes actuels sont diffusés à la radio et s’en prennent à ceux qui ont le malheur d’être trop pâle et de ne pas se déplacer en bande de cinquante barbares. On joue l’esbroufe en faisant voter des lois pour interdire les rassemblements dans les halls d’immeuble ou le port de la cagoule dans les manifs alors que des petits vieux se font massacrer en jardinant dans leur cour ou que des bagnoles partent en fumée tous les jours. Or, des lois contre l’atteinte aux biens et aux personnes existent déjà. Et si on ne peut, pour des raisons politiques électoralistes, se donner les moyens de protéger l’essentiel, donc la vie des innocents, à quoi bon légiférer sur des absurdités que la police n’aura pas le moyen de faire respecter ?

Cette démocratie là, cette gigantesque singerie bien-pensante, j’en ai envie comme j’ai envie de l’Ebola.
Et encore. L’avantage avec l’Ebola, c’est qu’il tue rapidement. La démocratie, elle, rogne en lenteur l’essentiel. Elle rogne l’innocence, l’âme, les mots et la vérité. Elle rogne la justice. Et, une fois son odieux appétit calmé, il ne reste rien sinon le désespoir. Et la haine.
arutha a dit…
Winston Churchill disait : La démocratie est le plus mauvais système de gouvernement, à l'exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l'histoire.
Parce que, à part la démocratie, qu'est-ce que tu as a nous proposer, Neault, en dehors d'une bonne vieille dictature ?
J'avais un collègue qui déniait, lui aussi, au pékin moyen le droit de s'exprimer. Il disait aussi, quand on parlait de Jean-Marie Le Pen : Ah ! Ce gauchiste.
Tout ça me fait juste froid dans le dos.
Gromovar a dit…
Le prix Nobel d'économie vient de couronner deux chercheurs qui ont beaucoup travaillé sur les questions de gouvernance et qui prônent des mécanismes assez proches de l'autogestion (amusant papier de Rocard dans le Monde d'ailleurs sur l'air de J'avais raison depuis 40 ans). La démocratie représentative stricte a pour conséquence inéluctable et malheureuse la démagogie, c'est d'ailleurs pour cela que les athéniens tiraient au sort leurs élus et ne les élisaient pas. Les grecs pensaient aussi qu'il faudrait que les philosophes deviennent rois, mais nous n'en sommes malheureusement pas là.
Sinon le point important pour Marcuse c'est que l'élévation du niveau de vie et le bien-être matériel associé, en transformant les prolétaires en petits bourgeois a annihilé toute possibilité de révolte. Ce que dit Marcuse c'est que le systême nous autorise à choisir le côté de l'enclos où nous voulons brouter mais pas à sortir de l'enclos.
Quoi qu'il en soit, la simple existence d'une discussion sur l'œuvre d'Herbert Marcuse en 2009 prouve que ce blog est bien fréquenté :-)
Nolt a dit…
Ah ben dis donc Arutha, tu m'as convaincu là. Tes arguments ont fait mouche. La démocratie, c'est génial en fait. J'suis con de pas m'en être rendu compte avant.

Plus sérieusement, Churchill disait aussi : "Le meilleur argument contre la démocratie est une conversation de cinq minutes avec l'électeur moyen."
Ben pour toi, il a suffit de 30 secondes.
Comme quoi, il n'était pas toujours dans le vrai.

Et du coup, c'est toi qui me fait froid dans le dos en illustrant si bien la pensée d'un type que tu cites sans le connaître.
Essentiellement parce que tu n'as rien compris à ce que je viens de dire et, aussi un peu, parce que tu as le pouvoir tout de même de voter, sans jamais rien comprendre.

Pour les systèmes différents de la démocratie ou de la dictature, il en existe des tas. Il y a des organisations sociales en Amérique du Sud, en Asie ou en Afrique qui ne sont pas basées sur l'alternative dont tu penses qu'elle est unique et qui ne sont ni des démocraties ni des dictatures.
Et même ici, il serait fort simple d'instaurer un permis de voter basé sur les connaissances et le QI d'un individu (il n'y a pas que ça, c'est un exemple), ce qui permettrait déjà de limiter les dégâts.

Mais bon... j'en reste là, je n'ai pas envie de débattre avec quelqu'un qui fout du Le Pen dès que l'on parle de remettre en cause la fonctionnement de la démocratie. C'est précisément ce que je dénonçais dans ma première intervention : le fanatisme absurde des "démocrates" élevés aux arguments télévisés.
Merci de m'offrir cette confirmation spontanée que je n'osais espérer. ;o)
arutha a dit…
T'inquiètes Neault, je t'ai parfaitement compris. Je déplore simplement que tu n'ai pas le courage d'avancer autrement que masqué.
Quant à tes alternatives, les connaissances ou le Q.I., magnifiques. Je suppose que tu possèdes l'un et l'autre. Je préfère restez con dans ce monde, certes infiniment perfectible, qu'intelligent dans celui que tu appelles de tes voeux.
Gromovar a dit…
Essayons de tous rester courtois s'il vous plait.
Nolt a dit…
Le masque c'est quoi ?? La somme de ce que tu ne comprends pas ?
Vu le niveau de tes interventions, je dirais que c'est plutôt toi qui a un truc devant les yeux. Peut-être bien derrière aussi. Encore que là, c'est plus hypothétique...

C'est quand même énorme de se faire donner des leçons par des abrutis qui emballent leur semblant de pensée et leur incapacité à comprendre celles d'autrui en deux phrases pré-mâchées !

Et dire que c'est ça qui défend, en apparence, la "liberté". Liberté en fait de se conformer aux dogmes ou de souffrir les petites perfidies censées être définitives mais masquant à peine une imbécillité crasse.

Tu es allé te faire vacciner contre la grippe hachingningnin ? Non parce que ça serait con que l'on se prive de ton érudition juste pour un pauvre virus qui traîne.
Les prix Nobel, même en devenir, c'est pas si courant.
arutha a dit…
Désolé Gromovar. Je pense cependant être resté courtois. En tout cas, je n'ai traité personne d'abruti. Quoi qu'il en soit, ne t'en fais pas, j'arrête ici ce que je n'oserais pas appeler débat.
Gromovar a dit…
Venez lire le post suivant, j'ai des infos sur le Kindle 'essaie finement de changer de sujet'
Nolt a dit…
Pour débattre il faut comprendre, avoir des idées, avancer des arguments, il n'y a donc jamais eu de débat entre nous, je confirme.

Par contre, il est resté courtois, c'est vrai. Putain, c'est la moindre des choses quand on a autant rien à dire et que l'on mise tout sur le dénigrement implicite !
Aussi, je pense que tu peux l'excuser. En tout cas, moi, je l'excuse.
;o)