La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Trois, quatre, remonte chez toi quatre à quatre


Le second recueil de Gudule, après "Le club des petites filles mortes", vient de sortir. Huit novellas d'une centaine de pages environ.
J'évacue les défauts : un premier texte où tout le monde se connait et se reconnnait, qui rappelle un peu ces pièces de Molière où on s'aperçoit à la fin qu'ils étaient tous parents ; quelques facilités scénaristiques ; des climax parfois décevants après une montée en tension très efficace.
Ceci posé, reste le bon.
Au fil de ces huit contes pour adultes, on rencontre des enfants assassins, des enfants martyrisés, des liaisons incestueuses, de l'amour, du sexe. On oscille en permanence entre réalité, souvenirs, rêve, fantasmes, hallucinations, manifestations fantastiques, avec des transitions tellement douces qu'il est difficile de trouver la frontière entre deux états. Chez Gudule le subconscient se donne à voir en pleine lumière et le visible ne permet jamais de présager de l'invisible.
La progression narrative est rythmée à merveille car Gudule fait très bien deux choses : elle sait doser la montée en tension pour rendre son histoire progressivement de plus en plus inquiétante, et elle excelle à détourner l'attention du lecteur de la vraie direction vers laquelle se dirige la novella (Gudule invente le twist final de milieu de récit ;-) ce qui fait que chaque histoire est surprenante.
Elle décrit parfaitement les enfants ou les adolescents. Ils sont crédibles dans leur élocution particulière, crédibles dans leurs sentiments excessifs et incontrôlés, ou leur incapacité à percevoir ce qui est impossible.
Elle décrit les nombreuses sexes de sexe ou de désir sans utiliser toutes les métaphores convenues qu'emploient les auteurs masculins, et c'est reposant.
Elle sait créer une connivence avec le lecteur en écrivant le plus souvent à la première personne. La connivence personnage/lecteur est un art délicat qui avance entre deux écueils, l'œillade rigolarde et la trop grande distance. Gudule place ses personnages à la distance idéale, elle les rend par là même attachants. Elle fait aussi montre d'une ironie pince sans rire, drôle et perçante dans son cynisme et son mépris des conventions sur ce qui est dicible, qui la place à des années lumière de la prose des spécialistes français du gros pastiche qui tache. Quantité des phrases placées par Gudule dans l'esprit de ses personnages pourraient être utilisées comme aphorismes.
Aucun texte n'est mauvais, mais dans les limites de ce que j'ai écrit plus haut. Certains sont vraiment bons avec une mention spéciale personnelle pour les deux derniers textes, l'un doté d'une "Mary Higgins Clark" perverse, l'autre écrit avec un style qui rappelle fortement les nouvelles de Boris Vian. Au final un recueil en dessous du précédent mais qui ne déçoit jamais vraiment.
Les filles mortes se ramassent au scalpel, Gudule

Commentaires

Efelle a dit…
J'ai bien aimé le volume précédent mais finalement le genre horrifique ne m'attire pas plus que ça.
Je passerai donc mon chemin vu que c'est apparemment inférieur au premier.
Aigo a dit…
J'adore les histoires qui évitent d'idéaliser les enfants, qui savent montrer leur côté sombre. Ça semble entrer dans cette catégorie...
Gromovar a dit…
De ce point de vue, tu seras servi.