Les Bonbons d'Halloween - Michael McDowell

Fidèle à sa politique de vulgarisation de l'œuvre de Michael 'Blackwater' McDowell, Monsieur Toussaint Louverture propose encore une nouvelle gratuite à télécharger jusqu'au 6 mai 2024. Alors, presse-toi lecteur ! Les Bonbons d'Halloween est un texte basé sur le scénario de l'épisode 28 de la série Tales from the Darkside , diffusé pour la première fois en 1985. On y lit un récit qui a le caractère self-contained de ces petits épisodes fantastiques qu'on aime regarder à la télévision, un récit qui se conclut sur une chute assez imprévue pour être excitante. Les Bonbons d'Halloween , c'est l'histoire d'un très désagréable Scrooge américain qui n'aime rien ni personne et prend un malin plaisir à ne pas satisfaire les enfants d'Halloween qui viennent frapper à sa porte pour obtenir des bonbons. Mais tout à son atrabile, Killup, le sale bonhomme au centre du récit, a oublié que les enfants d'Halloween n'expriment pas une simpl

Ex nihilo


Voici un livre fascinant et important. Fascinant par son sujet, la création d'une histoire nationale mythique dans le but de créer une communauté politique et de légitimer sa revendication territoriale. Important par le terrain qu'il étudie, le "peuple juif" et la revendication de ses représentants sionistes sur les terres de la Palestine mandataire puis, au delà, de ce qui est nommé par eux Eretz Israël.
"Comment le peuple juif fut inventé" n'aurait pas pu être écrit par quelqu'un d'autre qu'un chercheur israélien. Tout autre auteur aurait été taxé d'antisionisme au mieux, d'antisémitisme au pire (Shlomo Sand montre d'ailleurs qu'en Israël les deux notions sont parfois volontairement confondues).
Au fil de cet ouvrage Schlomo Sand commence par rappeler que les mouvements nationalistes politiques ont fait florès au XIXème siècle et qu'ils ont suivi deux grands courants, un courant, civique, d'adhésion au groupe, caractéristique de la vision française de Renan par exemple, et un courant ethnobiologiste dans lequel seul le peuple racial peut fonder la nation, cette vision ayant dominé en Allemagne par exemple. Le nationalisme politique a été le moyen par lequel des entités nationales, largement imaginaires, se sont constituées puis ont accédée à l'autonomie politique, voire à la création d'Etats ad hoc. Au milieu de ce "Printemps des nationalités" s'est constitué un mouvement, intellectuel avant d'être politique, de juifs d'Europe de l'Est qui ont tenté de définir eux aussi leur identité nationale. Baigné dans les cultures allemandes et russes de l'époque, ces pionniers de la conscience juive ont privilégié une définition ethonobiologique de la nation. Nonobstant la grande variété des cultures, des langues, et même des traits physiques des différentes communautés juives du monde, ces intellectuels ont cherché à démontrer que tous les juifs du monde étaient les descendants du peuple juif de la Bible exilé après la destruction du temple de Jérusalem ; qu'ils formaient donc un peuple distinct et identifiable, on dirait aujourd'hui une ethnie, on disait à l'époque une race. Dans cette mythologie fabriquée à grands renforts d'exégèses de la Bible (qui passe maintenant pour la vérité admise), le peuple juif a réellement vécu la plupart des épisodes que raconte l'Ancien Testament (ils sont simplement rapportés à des phénomènes naturels, lorsqu'il y a miracle, pour ne pas heurter la sensibilité scientifique de l'époque ni la large frange laïcisée des communautés juives), il a été exilé après la destruction du temple, soit peu de temps après JC, il s'est dirigé massivement mais pas exclusivement vers l'Europe, il n'a pas réalisé de conversion, et donc les juifs du monde sont tous les descendants de ce peuple juif exilé qui a quitté sa terre il y a deux mille ans. Schlomo Sand remarque, non sans ironie, que cette version des faits valide le mythe chrétien du juif errant déraciné de sa terre et condamné à errer de par le monde en punition du déicide. Il montre, plus sérieusement, qu'elle se heurte aux faits linguistiques, archéologiques, génétiques.
Il montre que la chronologie biblique est à l'évidence erronée et que quantité des éléments qu'elle contient sont difficiles ou impossible à établir scientifiquement. Il montre que les faits prouvent qu'il n'y a pas eu d'exil massif, ni au premier siècle, ni même plus tard. Il montre que l'extension de la religion juive après la premier siècle ne peut s'expliquer que par des actes de conversion, parfois massive, annulant ainsi toute velléité d'identité biologique. Il montre qu'il n'existe aucune culture laïque commune à toutes les communautés juives du monde qui serait la trace d'une histoire un tant soit peu commune. Il montre que les juifs d'Europe de l'Est, à l'origine du sionisme, sont vraisemblablement des descendants de khazars, c'est à dire d'un peuple converti au judaïsme et sans lien biologique avec les habitants de la Judée primitive. Il montre comment l'historiographie a été mise au service de la volonté sioniste et comment les voix dissidentes se sont progressivement tues, sont progressivement rentrées dans le rang, ou n'ont eu qu'un accès limité aux médias et au public. Il montre comment l'archéologie a été convoquée dans le but de prouver les assertions sionistes et qu'elle a eu tendance à éviter de trop s'appesantir sur toutes les découvertes qui remettaient en cause l'histoire officielle. Il montre comment la génétique a cherché à montrer qu'il existait une parenté génétique entre tous les juifs sans jamais y parvenir. Il montre comment il existe en Israël des tabous dans la recherche universitaire dès qu'on touche à la question de l'identité juive. Il montre comment les plus hautes autorités du jeune Etat d'Israël (notamment Ben Gourion) ont participé activement à l'édification de ce mythe, car elles pensaient qu'il était indispensable à la fondation d'un sentiment national, et qu'elles l'ont fait en s'appuyant sur les religieux ce qui est une belle preuve de cynisme de la part d'un mouvement laïc. Ces prétentions à une antériorité extrême avaient évidemment pour finalité la légitimation internationale du retour des "juifs" (Sand montre à quel point les autorités ont été embarrassées lorsqu'il s'est agit de définir ce qu'était un "juif" ayant droit au retour) sur la terre d'Israël et l'éviction des populations "non juives". Jérusalem, qui avait été pour beaucoup de juifs au fil des siècles un idéal et un objectif spirituel, devenait au XXème siècle le point géographique réel de rassemblement du "peuple juif". A l'encontre d'un interdit religieux antique enjoignant aux juifs de ne pas rejoindre massivement Jérusalem, la Jérusalem terrestre prenait au XXème siècle la place de la Jérusalem céleste, avec la bénédiction des religieux qui lisent la Bible comme un acte du cadastre.
Schlomo Sand, chercheur en histoire à l'université de Tel-Aviv et partisan d'une société laïque et non distinctiviste, tente par ce brillant dévoilement de lutter contre le mythe qui fonde la domination.
Comment le peuple juif fut inventé, Schlomo Sand

Commentaires

Efelle a dit…
Intéressant en effet et bonne illustration des méthodes politiques en général. La fin justifie les moyens...
Ghislain a dit…
Cela semble effectivement intéressant.
Entre le sujet et la description des moyens mis en place, il doit y avoir des trucs à apprendre.
Je suis passé sur amazon pour en savoir plus et vous allez rire. La plupart des auteurs de critiques avec des notes extrêmes (min ou max) n'ont écrit que celle-ci. Pas évident d'avoir un avis significatif dans ces conditions.
Une lecture future peut-être...
Gromovar a dit…
Ca vaut clairement le coup d'oeil. Et la virulence des critiques négatives laisse penser que la flèche n'a pas raté sa cible.
Anudar a dit…
Voilà qui, c'est sûr, mérite son attention. Si je n'avais pas un très fort préjugé quant aux essais (que je trouve inlisibles), je me laisserais sans doute tenter. L'Histoire est une science fascinante.
Gromovar a dit…
Si par essai, tu entends peu documenté, ce n'est pas le cas. J'ai trouvé cet ouvrage passionnant.
Anudar a dit…
Par "essai" je veux dire "littérature de non-fiction". Ce genre de truc a tendance à me tomber des mains sauf cas exceptionnels.