La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Vox populi, vox imbecilli

C'est fait. L'Irlande a voté NON au traité de Lisbonne. Grâce à cette action d'une grande pertinence, l'Europe va pouvoir rester le nain politique dont n'osait plus réver les Etats-Unis. Telle quelle l'Union est ingouvernable et ne peut rien être d'autre qu'une zone de libre échange améliorée.
On pourra, à juste titre, et comme lors du refus français, stigmatiser la collusion objective (comme disaient les stals) entre des conservateurs nationalistes, voire plus, et une certaine gauche, confite dans l'huile de l'Internationale et prompte à voir l'ultra-libéralisme partout comme au Moyen Age on voyait le Diable. Mais ce mariage de la carpe et du lapin n'aurait rien pu sans l'intervention des peuples. Si la guerre est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux militaires, la construction européenne est trop sérieuse pour la laisser aux peuples. Quand bien même apparaitrait un nouveau texte, court et porteur de valeurs comme le souhaitent certains aujourd'hui, le problême institutionnel ne serait pas réglé. Quand bien même le dit texte serait ratifié, il n'annulerait pas la nécessité d'un texte purement institutionnel pour remplacer la lamentable traité de Nice, qui est en vigueur aujourd'hui et qui va maintenant le rester pour de nombreuses années encore. Et un tel texte institutionnel, même précédé par un texte de portée plus générale accepté par les peuples d'Europe, devrait, au moins en Irlande, être soumis au vote populaire, c'est à dire au jugement hétéroclite des passions, des pulsions, des récriminations, à la dictature du court terme et de la courte vue, à l'indifférence blasée et narquoise, à l'espérance puérile de dire son fait aux "élites" et de leur faire payer la hausse du prix de l'essence ou tout autre phénomène de marché, avec toutes les chances d'un nouveau refus. Car s'il n'y a toujours qu'une raison de dire OUI, il y a maintes raisons de dire NON.
Les peuples sont tellement bêtes qu'ils ne comprennent même pas que ce sont eux qui paieront la facture de la faiblesse de l'institution europééenne, qu'ils contribuent eux-mêmes à créer. Une Europe faible ne pourra pas protéger ses citoyens, ne pourra pas être un facteur de prospérité. Une europe faible sera une merde et nul ne peut bien vivre dans la merde. Mais qu'attendre d'autre d'un corps politique qui n'est plus peuplé que de "papas" et de "mamans" et qui a théorisé l'impuissance au point d'en faire une vertu ? Sic transit gloria mundi.
Tiens je crois que je vais me faire naturaliser chinois.

Commentaires

Anonyme a dit…
J'apprécie tes conseils de lecture, tes critiques franches et sans concession, ton gout pour la sf ou les comics qu'il est parfois difficile de partager. Mais la passion que tu mets à défendre un livre hélas l'emporte aussi sur la raison lorsque tu parles politique. De quelle pseudo guerre parles tu? De quelle compétition? Quid de la démocratie? Penses tu réellement qu'aujourd'hui l'abandon de ton pouvoir d'électeur (déjà si faible) te procureras demain du mieux- vivre? Quelles libertés es tu prêt à abandonner pour vivre en sécurité? Tu préfères réellement délégué à d'autres qui oeuvrent pour ton bien, ou le bien commun (sic)? Tous les Non sont ils seulement des parfaits abrutis?
Je te conseille enfin, si je puis me permettre, de faire un petit tour du côté de Damasio (la zone du dehors).
(PS mémoire d'un négrier : peut on vraiment tout justifier sous prétexte que l'on est qu'une pièce de l'engrenage? Cela résonne comme Eichman à son procès...je pense que le débat n'est pas si simpliste que ne le laisse paraitre ton commentaire)
yo
Gromovar a dit…
Une critique courtoise et argumentée appelle une réponse similaire.
Pour commencer, je suis fédéraliste et le vote irlandais m'a donc profondément heurté. Je fulminais. Mais surtout je veux répondre sur la démocratie. Je crois que lorsqu'un sujet nécessite des connaissances techniques importantes, une prise de décision démocratique n'a pas de sens, sauf entre experts (les passagers d'un avion ne votent pas pour choisir le plan de vol). Il y a quelques années j'ai eu un cancer, et moi et les autres gars du service, dont tous n'ont pas eu la chance d'en sortir, ne votions pas pour valider nos traitements. Nous nous mettions entre les mains de gens qui savaient alors que nous ne savions pas. Alors tu me diras, pour la politique c'est différent. Et je crois que non. Je crois que l'utilisation du droit de vote nécessite, sur des sujets techniques, une compétence technique véritable qui ne s'improvise pas ; ce n'est pas la prose de Monsieur Jourdain. Pour en avoir fait, je peux te dire que le droit communautaire est particulièrement touffu et que, de plus, comme tout droit il nécessite d'avoir intégré un vocabulaire et de nombreux principes sous-entendus. Prétendre, comme certains le font, qu'il serait possible de soumettre un traité "lisible" à référendum n'a pas plus de sens que de prétendre rédiger une version "lisible" de la théorie de la relativité. Entendons-nous bien, je le répète encore, je parle ici de sujets techniques (je serais contre, pour les mêmes raisons, la soumission à référendum de la politique nucléaire de la France, pas parce que je suis un nucléolatre, mais parce que j'ai l'honnêteté intellectuelle d'admettre que je suis à mille lieues d'avoir les connaissances suffisantes pour analyser la question et y apporter une réponse réfléchie, j'aimerais que mes concitoyens aient plus souvent ce genre d'honnêteté qui consiste à dire "je ne sais pas"). Voila pour mon opinion. Comme à mon habitude je vais finir en appelant un grand ancien à mon aide et invoquer les mânes de Rousseau. C'est lui qui à la fin du "Contrat social" après avoir loué les vertus de la démocratie pendant des pages et des pages écrit un forme de conclusion "S'il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes", ce qui à mon sens est la réponse à faire à un "NON" qui agrège tant de "nons" différents, souvent en oubliant la question.

PS : Pour Damasio, je vais m'y mettre.

PS2 : Concernant "Mémoire d'un négrier" je n'ai ni écrit ni pensé que tout se justifie par une position dans un engrenage, j'ai écrit et pensé que chaque homme est le produit d'une culture et qu'il est donc malvenu de le juger en utilisant les normes d'une autre culture. Pour Snelgrave, la traite est "normale" car elle fait partie intégrante du monde dans lequel il vit. Il a été éduqué à la considérer comme "normale". Ce n'est justement pas le cas d'Eichmann qui n'a pas grandi dans une société nazie. A mes yeux Eichmann est infiniment plus condamnable que Snelgrave. Il a choisi là où Snelgrave a essentiellement subi (c'est mon côté holiste qui ressort là ;-).

PS3 : Continue à venir sur mon blog et n'hésite à recommenter, ou à répondre ici-même.

Best wishes
dimanchedepluie a dit…
OUF! Je craignais que la maladresse de mes propos ne te vexe et ne ferme le dialogue.
Suite : Si effectivement le recours au référendum peut avoir pour conséquence une tentation populiste (on prend souvent l'exemple de la peine de mort). C'est essentiellement dû à un manque d'éducation.Et le fouillis des lois juridiques ne saurait justifier de se passer du vote populaire, (sans faire penser aux médecins et leur jargon décrit par Moliere, ou lire heidegger). Ce serait trop simple. Tu cites d'ailleurs l'exemple médical et à ce titre ils insistent beaucoup en fac de médecine sur la nécessité d'informer le patient et de lui permettre de faire les choix le plus librement possible.
Afin de s'écarter du modèle du Dr Knock ou de Molière, afin d'optimiser le traitement etc...
Plus terre à terre je ne pense pas que l'Europe ait une même aspiration, de mêmes valeurs d'un pays à l'autre (regarde la Belgique) et soit prête à supporter une politique imposée et non concertée (regarde le rôle démesurée de la commission Européenne sur le Parlement, ou encore les récentes erreurs du FMI,
l'abandon de l'outil monétaire au profit du Dogme libéral...). Il n'existe pas un consensus d'économistes (finalement les Experts?) pour approuver ce texte, seulement des lobbys qui défendent des intérêts communs qui ne sont peut être pas les nôtres (non, la croissance ne crée pas toujours de l'emploi, oui la paupérisation s'est accéllérée dans les pays riches en même temps que l'écart des salaires...).
Pour finir cette diatribe (efface tout apres l'avoir lu stp)
Je citerais à mon tour Kant ,in l'esprit des lumières, qui évoque les "gardiens qui, par "bonté", se proposent de veiller sur eux. Après avoir rendu stupide leur troupeau, et soigneusement pris garde que ces paisibles créature ne puissent oser faire le moindre pas hors du parc
où ils sont enfermés, ils leur montrent ensuite le danger qu'il y aurait de marcher tout seul".

PS Mémoires d'un négrier : je rappellerais juste qu'aujourd'hui les esclavagistes existent toujours et qu'ils justifient leur commerce des mêmes arguments tout en en tirant de juteux bénéfices comme M.Snelgrave. Ce ne sont pas des monstres, ce sont des hommes, produit de leurs histoires personnelles et de leur époque certes mais aussi, j'espère, des choix qu'ils ont fait.
ouf j'arrête bravo si tu as réussi à me lire jusqu'au bout!
Anonyme a dit…
et 8 ans aprés ?
Gromovar a dit…
Sur la grande pertinence des peuples ?
dimanchedepluie a dit…
Ou sur les années qui passent ?? 8 ans après je ne reconnais ni mon style ni ne comprends mes arguments (Kant?) En 8 ans j ai le qi qui a fondu...Et je ne suis pas le seul si on regarde a l ouest... Yo
Gromovar a dit…
Nous nous enfonçons tous dans la barbarie. Platon l'avait annoncé, la tyrannie suit toujours la démocratie, et elle passe inévitablement par la démagogie. Je ne suis pas optimiste sur la tendance à long terme :(